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Pourquoi le survivalisme nous fascine-t-il autant?
Jasette avec le réalisateur Patrice Laliberté, cinq ans après le succès planétaire du thriller survivaliste québécois Jusqu’au déclin.
Le survivalisme me fascine. Même si je ne suis pas capable de poser une tablette chez moi, je me surprends souvent à rêver d’une vie « off the grid », en autonomie, dans le fond des bois. Et visiblement, je ne suis pas le seul. Lorsque le thriller survivaliste québécois Jusqu’au déclin est sorti en 2020, plus de 21 millions de personnes l’ont regardé à travers le monde. J’ai voulu en parler avec son réalisateur, Patrice Laliberté.
PL: Je suis tombé là-dedans en explorant la montée du radicalisme et des groupuscules paramilitaires. De fil en aiguille, je suis tombé sur des groupes survivalistes. En stalkant du monde sur Facebook (rires), j’ai trouvé un YouTuber québécois. Et là, j’ai réalisé qu’il y avait toute une culture, avec ses codes, ses produits et sa vision du monde.
PL : Le mot-clé, c’est peur. Peur du monde. Peur du futur. Peur de l’autre. Peur de perdre le contrôle. Ce sont des gens qui veulent reprendre du pouvoir sur ce qu’ils peuvent. Et parfois, oui, il y en a qui espèrent presque l’effondrement. Parce qu’enfin, ils vont shiner. Leur savoir-faire va devenir précieux. Leur place dans la hiérarchie va changer.
PL : Très souvent. Même dans des groupes qui se disent horizontaux, une hiérarchie s’installe vite. Celui qui sait faire du feu, qui connaît les armes, qui a du terrain, il devient « chef ». C’est presque inévitable. Et parfois, ça crée des dynamiques de pouvoir vraiment intenses.
PL : Oui. Il y a un moment où la préparation bascule. Quand tu construis toute ta vie autour d’un futur effondrement, tu peux perdre le contact avec le présent. J’ai rencontré des gens super accueillants, qui en même temps me montraient leurs trappes à intrusion et leurs fusils de collection. C’est fascinant et dérangeant à la fois.
Premier long métrage québécois entièrement financé par Netflix, Jusqu’au déclin a été diffusé dans 190 pays. Le thriller à saveur nordique suit un groupe de survivalistes en entraînement dans un camp reculé, prêts à affronter l’effondrement. On y retrouve Réal Bossé dans le rôle du formateur charismatique, et Guillaume Laurin dans celui d’un père de famille en quête de sécurité.
PL : Il y a une vraie admiration pour la nature, un désir d’autonomie, de retour à la terre. Mais, dans les groupes que j’ai rencontrés, cette relation est aussi souvent traversée par la peur : peur que la nature se retourne contre nous, peur de ne pas être prêt. Le climat, c’est à la fois la menace et le déclencheur de leur démarche. Donc oui, il y a de l’amour, mais aussi beaucoup de méfiance et d’instinct de survie.
PL : C’est certain que quand le ciel est orange au mois de mai (en raison des feux de forêt, NDLR), ça donne le goût de se préparer au pire.
PL : Oui, absolument. Il y a tout un spectre. L’extrême attire l’attention, mais il y a des groupes très communautaires, qui veulent transmettre des savoirs, vivre ensemble autrement. Ce n’est pas que de l’individualisme armé.
PL : Tous les personnages du film ont des raisons différentes de s’intéresser au survivalisme. Par contre, comme on voulait un film court et punché, on a dû faire des choix scénaristiques. Mais je pense qu’on comprend globalement que ce n’est pas un groupe d’illuminés…vraiment pas, en fait.
PL : Ça vient répondre à un sentiment d’impuissance. On vit dans une société où on dépend de tout. On ne sait plus comment survivre seuls. Et en même temps, on est bombardés d’alertes. Donc le fantasme de l’autonomie, il devient rassurant. Romantique, même.
PL : Évidemment (rires). On le fait tous un peu, non ? Moi, j’ai pensé à Valleyfield. C’est une île avec deux ponts à protéger. Il y a un hôpital, c’est gérable en cas d’attaque zombie (rires). Mais bon, c’est un délire. Parce qu’au final, même si tu te caches dans le bois, les microplastiques vont te rattraper. C’est ça, la vraie tragédie (rires).
PL : Oh que oui! Le gars qui m’avait inspiré est venu me voir à la première. Il avait les yeux pleins d’étoiles. Il m’a dit que c’était génial, mais qu’il aurait pu me montrer « bien pire que ça ». J’étais comme : « Ok, tu n’as pas vu le second degré, hein… ». Pour lui, tout ce qu’on montre dans le film, c’est normal. Il n’y avait rien de choquant.
PL : Oui. L’effondrement, on le sent venir à plus d’un niveau. Et la crise climatique va juste renforcer ça. Mais la question, c’est : est-ce qu’on s’isole… ou est-ce qu’on agit collectivement ? Et c’est là que, moi, je trouve qu’il y a encore un peu d’espoir.
Crédit photos : Judith Oliver (entrevue), Bertrand Calmeau (extraits du film et photos de tournage).
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