Le cuir fait peau neuve

Entre un cuir animal, une alternative végétale ou une matière base de pétrole : que choisir pour un look à la fois badass et qui ne coûte pas la peau des fesses?  

Par Leïla Jolin-Dahel Journaliste

Avouez ! On se sent un peu moins coupable quand on achète quelque chose en « cuir 100 % végétalien », non? On se dit qu’on a sauvé des agneaux ET évité de froisser notre colocataire végane. Mais « végane » est-il toujours synonyme d’« écoresponsable » ? Pas nécessairement, spécialement si l’on souhaite faire la peau aux énergies fossiles. Car souvent le cuir végane est fait à partir de PVC ou de polyuréthane, de jolis dérivés du pétrole. On fait quoi, alors? Cuir de pommes, de cactus ou d’ananas : on fait le point pour vous sur les options disponibles ici au Québec.

Des bottes de cowboy en cuir de cactus

Depuis 2021, la marque québécoise EcoFino offre des chaussures à base de… cactus. Elles sont conçues selon un procédé à base de liant organique, considéré comme écologique et moins gourmand en énergie lors de la fabrication du matériau. « Ces plantes poussent sans avoir besoin de beaucoup d’eau. Et seule la feuille mature est récoltée, pour être séchée au soleil », fait valoir Myriam Labrecque, responsable du développement produit. Son fournisseur, Desserto, assure sur son site Web que son matériau est conçu sans produits chimiques toxiques, phtalates ou PVC, sans toutefois définir clairement la composition du liant employé.

(Globalement, cette information est toujours complexe à trouver. Ouin, on ne peut pas dire que le milieu des cuirs alternatifs brille par sa transparence).

Des sacs en cuir d’ananas

Sanana, qui confectionne des sacs au Québec, a notamment choisi le piñatex, élaboré à partir d’ananas. « Les feuilles laissées dans les champs sont récupérées pour ensuite servir à faire une fibre », détaille Mélodie Fontaine, propriétaire de l’entreprise. Même si le piñatex contient du polyuréthane, la présence d’une matière végétale contribue à réduire le recours aux plastiques dans sa conception, estime la femme d’affaires.

Heu… Vous avez lu comme moi? Le cuir d’ananas contient… du polyuréthane? Mais alors, est-ce qu’on essaye de nous passer une petite vite? Selon un spécialiste rencontré pour cette enquête, ce n’est pas toujours du greenwashing (a.k.a écoblanchiment) : l’appellation « végane » ne veut pas nécessairement dire « entièrement végétal ». Si les variantes de cuir contiennent des produits issus des énergies fossiles, il faut cependant que les entreprises le mentionnent clairement. Et ce n’est pas toujours le cas. On disait quoi, déjà, à propos de la transparence, tantôt?

Toujours selon ce spécialiste, l’empreinte environnementale d’une chaussure en plastique est relativement faible en comparaison avec une autre en cuir ou en matière végétale, si on la traite bien en fin de vie en s’en débarrassant dans les collectes appropriées de déchets pour éviter que des microplastiques se retrouvent dans la nature. 

Des meubles en pelure de pommes

Ok, ok, mais une solution végane à la fois sans énergies fossiles, issue de l’économie circulaire locale et résistante, ça existe ou pas? Fannie Laroche, cofondatrice et PDG de Flaura, cuir végétal, mise sur la pelure de pomme résiduelle de l’industrie agroalimentaire québécoise. Elle a entamé trois ans de recherche et développement pour parvenir à un procédé de fabrication sans aucun dérivé du pétrole. La commercialisation de ce nouveau matériau devrait avoir lieu ce printemps dans le marché du meuble et, éventuellement, dans le secteur de la mode, souhaite la femme d’affaires.

Du cuir animal qui réduit ce qu’on jette

Dans le cas du cuir animal, les procédés de tannage constituent l’essentiel des impacts sur les écosystèmes. Les techniques classiques se font encore principalement avec du chrome, un métal qui contamine les sols et les eaux souterraines. Écofaune boréale, à Mashteuiatsh, travaille à contrer le gaspillage dans les élevages qui jettent tout ce qui n’est pas destiné à nos assiettes. Le centre d’innovation utilise aussi des tanins végétaux, minéraux ou synthétiques, tout en privilégiant le réemploi, comme la résine d’épinette issue de l’agroforesterie.

Un look qui fait peau neuve en friperie

S’il est intéressant de proposer plusieurs substituts, notamment pour celles et ceux qui ont choisi le véganisme, la meilleure solution réside quasiment toujours dans les vêtements de seconde main. Non seulement on augmente la durée de vie de ce qui a déjà été fabriqué et utilisé, mais on évite aussi de produire quelque chose de neuf!

Comment on fait pour savoir quelle est la meilleure option?

L’impact environnemental des cuirs d’origine animale comme des substituts végétaux va dépendre de plusieurs choses : le transport de la matière première, le processus de fabrication, les produits utilisés dans la transformation du produit et la durée de vie des objets aussi. Malheureusement, il y a peu d’études qui donnent une durée de vie réaliste.

En général, les matériaux véganes ont une plus faible durée de vie (entre trois ans et demi et sept ans) que les peaux d’animaux et de poissons, d’après cette étude parue en 2023. Les chaussures véganes feront parfaitement l’affaire si on les utilise beaucoup et qu’on risque de s’en lasser. Mais si c’est une paire qu’on veut garder pendant 10 ou 15 ans, le cuir animal a une meilleure résistance.

(*La version originale de cet article a été publiée sur le site d’Unpointcinq. Vous y retrouverez toutes les sources utilisées pour la rédaction de cet article.)

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